La plupart des chenilles de monarques sont mangées avant de se transformer en papillons. Les cinq pour cent qui survivent parcourent de grandes distances deux fois par année, traversant montagnes, frontières et murs frontaliers à la recherche d'environnements plus chauds pour se reproduir. Les monarques d'Amérique du Nord migrent vers le sud entre août et novembre. Ceux qui passent l'été à l'ouest des Rocheuses se dirigent vers les côtes californiennes, tandis que les monarques qui se reproduisent plus à l'est migrent vers le Mexique. Cette année, l'ultramarathonien canadien Anthony Battah a suivi ses monarques locaux sur une distance de 4 500 km, du Canada au Mexique.
La menace qui pèse sur le papillon monarque a attiré l'attention d'Anthony Battah pour la première fois au cours de l'été 2022, lorsqu'un article a été publié sur le fait que le gouvernement canadien cultivait un champ d'asclépiade essentiel à la santé des monarques. En continuant à se pencher sur la question, il en est venu à se questionner à savoir comment pouvions-nous être si insouciants avec nos modes de vie au point de permettre à l'un des pollinisateurs les plus importants à devenir une espèce en voie de disparition ?
L'intérêt de M. Battah pour les questions environnementales a commencé avec la naissance de sa fille Laurence. Il a alors pris conscience des conséquences et des effets de ses actions (et de ses inactions) et du fait qu'elles étaient souvent en décalage avec l'avenir de sa fille. Depuis, il a passé les dix dernières années à corriger progressivement le tir et à faire de son mieux pour inciter son entourage à faire de même.
En 2022, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a inscrit le papillon monarque migrateur sur La Liste rouge mondiale des espèces menacées. La population indigène a diminué quelque part entre 22 % et 72 % au cours de la dernière décennie, les raisons étant multiples. L'exploitation forestière (légale et illégale) et la déforestation pour l'agriculture et le développement urbain ont détruit et continuent de ravager leurs abris hivernaux, tandis que les pesticides et les herbicides tuent l'asclépiade (la plante hôte dont se nourrissent leurs larves) sur l'ensemble de leur parcours migratoire. Le changement climatique a créé de nouveaux extrêmes de température qui tuent les papillons à la fois directement et en stimulant des migrations prématurées avant que l'asclépiade ne soit disponible. Les sécheresses limitent également la croissance de l'asclépiade et augmentent la fréquence des incendies catastrophiques.
L'Ultra-Trail Monarque de Battah est une idée née d'un désir profond d'agir face à une situation écologique critique. L'ampleur du défi illustre l'ampleur du problème et de la solution. En tant que pollinisateurs de premier plan, les monarques jouent un rôle important dans la toile complexe de la vie, en assurant la subsistance d'insectes et d'oiseaux sous forme de chenilles et en pollinisant des fleurs sauvages aux couleurs vives sous forme de papillons. Jusqu'à présent, il a collecté près de 45 000 dollars, qui seront intégralement versés à des organisations reconnues pour leur rôle actif dans la conservation des monarques et de leur habitat.
Nous avons eu le privilège de parler de cette expérience avec Battah.
Avant cette aventure avec les monarques, êtiez-vous intéressé quant aux questions environnementales ?
Mon intérêt pour les questions environnementales a commencé il y a environ 10 ans, à la naissance de ma fille Laurence. Je me suis soudain senti coupable du fait que mes actions (et inactions) étaient souvent mal alignées sur ses intérêts et, pire encore, qu'elles pouvaient lui nuire. Depuis, j'ai progressivement corrigé le tir et fait de mon mieux pour inciter mon entourage à faire de même.
Comment en êtes-vous venu à vous intéresser aux papillons monarques ?
La menace qui pèse sur le papillon monarque a fait la une des journaux pendant l'été 2022 et, en lisant des articles sur le sujet, j'ai eu un déclic. Comment pouvons-nous, nous les humains (moi y compris), être aussi insouciants et amener l'un de nos pollinisateurs les plus importants au bord de l'extinction ? N'avons-nous pas appris la leçon avec les abeilles qui ont fait les mêmes malheureux titres il y a quelques années ? Pourquoi n'étais-je pas au courant et que pouvais-je faire pour contribuer à faire passer le message ?
Pouvez-vous expliquer avec vos propres mots en quoi les monarques sont une "espèce parapluie" ?
Ils partagent le même habitat que plusieurs autres pollinisateurs. La préservation de l'habitat du monarque profite donc à de nombreuses autres espèces. Voici ce que les experts ont à dire.
Les papillons monarques sont menacés de toutes parts. Ces menaces (d'origine humaine) sont : la perte d'habitat (principalement due à l'agriculture de masse, à l'étalement urbain, au développement industriel, à l'exploitation forestière commerciale et illégale), les pesticides, les parasites et les maladies, le changement climatique, etc.
Pourquoi nos lecteurs devraient-ils s'intéresser aux monarques ? En particulier ceux qui se soucient déjà de l'environnement ?
D'un point de vue humain, l'une des principales raisons pour lesquelles nous devrions nous préoccuper des monarques est que plus d'un tiers de la nourriture que nous consommons provient de plantes qui dépendent de la pollinisation par les insectes. D'un point de vue plus holistique, les monarques sont importants parce que toutes les formes de vie sur terre sont interconnectées. Ce qui affecte une espèce finit par affecter toutes les autres.
Comment êtes-vous arrivé à pratiquer la course ultra?
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé courir, sur des distances relativement courtes. Mais en 2014, un ami m'a convaincu de sortir de ma zone de confort et de participer à une course à relais de 4 jours de plus de 600 km entre Montréal et New York. Le défi semblait si fou que je devais simplement l'essayer. Je me suis entraîné avec sérieux pendant plusieurs mois, j'ai redoublé d'efforts pendant la course et je suis arrivée à Times Square avec un sourire fatigué. L'excitation était incroyable, mais fut de courte durée. Où était ma limite ? C'est à ce moment-là que j’ai dévelopé une passion pour l’ultra.
Pourquoi avez-vous décidé que c'était le moyen le plus efficace de faire valoir votre point de vue ?
Sauver notre planète et sa biodiversité est un exploit de taille, comparable à un ultra. Cela dit, nous pouvons y arriver et nous y arriverons. L'Ultra-Trail Monarcque nous rappelle humblement que lorsque nous agissons et que nous alignons nos corps, nos esprits et nos âmes, des choses importantes peuvent se réaliser.
Combien d'argent avez-vous récolté ?
Nous sommes tout près de 45k. Les sommes recueillies seront versées à des organismes reconnus pour leur rôle actif dans la conservation du monarque et de son habitat.
Quel a été le moment le plus effrayant du voyage ?
Lorsque j'ai traversé l'Ohio, j'ai senti que quelque chose n'allait pas au niveau de mon tendon d'Achille gauche. Au début, c'était subtil, mais à mesure que je me rapprochais de Cincinnati, il est devenu évident que je me dirigeais vers une véritable tendinite. J'ai dû m'arrêter et, pendant un moment, j'ai eu peur que le voyage soit compromis. La chance a voulu que je rencontre Harvey Lewis et ses élèves du secondaire le lendemain, ce qui m'a redonné le moral. J'ai fini par prendre deux jours et demi de congé pour me reposer et faire le plein d'énergie. J'ai réussi à récupérer.
À quoi ressemblait votre régime alimentaire ?
Petit-déjeuner : café noir + toast au beurre de cacahuète et à la confiture + fruit.
Déjeuner : smoothie maison + yerba maté.
Dîner : jus de fruits + l'excellente cuisine maison de ma femme.
Collations du matin et de l'après-midi : Toutes sortes de produits à base de sirop d'érable, de compote de pommes, de purée de pommes de terre, de noix, de barres d'avoine/granola, etc.
Collations du soir : fruits + céréales.
Aviez-vous votre propre asclépiade (une source d'alimentation principale et constante) ?
En termes de ravitaillement, mon alimentation est constituée d'aliments d'origine végétale. Et tout comme les vraies asclépiades, il n'a pas toujours été facile d'en trouver sur notre route vers le Mexique.
Comment votre femme et votre fille ont-elles vécu cette expérience ?
Elles ont vraiment apprécié l'aventure, bien qu'elle ait été assez difficile. Elles étaient ma seule équipe (sauf les quatre derniers jours au Mexique) et étaient constamment en mouvement, s'occupant de... tout (c'est-à-dire l'enseignement à domicile, la cartographie de l'itinéraire, le transport, l'hébergement, l'épicerie et la cuisine, la lessive et le lavage, les relations publiques, les réparations du camping-car, les encouragements, etc.) L'UTM a été un succès grâce à un véritable travail d'équipe, ce qui nous rend tous très fiers.